Billet 9
L’esthétique dans l’entreprise libérée, une clé ?
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Les dirigeants connaissent bien les ingrédients nécessaires pour réussir les projets. Pour entreprendre une démarche vers l’entreprise libérée, s’ajoutent 2 composantes :
- – Disposer d’un maximum de méthodologies éprouvées,
- – Et d’un maximum de clés.
Ces billets s’inscrivent en faux par rapport à l’affirmation : il n’y a pas de méthodologie pour engager la démarche vers l’entreprise libérée. De nombreuses clés sont partagées au fil de ces billets. Une clé est un principe, une règle, un point de passage pour réussir. La clé se différencie des méthodologies dans la mesure où la mise œuvre varie selon la culture de l’entreprise. L’entreprise adoptera la forme qui « colle » à sa culture. On les appelle Facteurs Clés de Succès (FCS). En cuisine, cela s’apparente aux tournemains. Leur impact est tel que sans ces FCS la réussite devient aléatoire.
La clé de ce billet est zappée par ceux qui nous font découvrir les entreprises libérées : il s’agit de l’importance de l’esthétique, du beau dans la libération de l’entreprise. Cela peut surprendre mais à y regarder à 2 fois, cette clé est omniprésente dans les cas d’entreprises libérées (cette clé est aussi entretenue dans des entreprises qui ne sont pas dans cette démarche).
Dans une interview, Steve Jobs racontait qu’il allait dans l’usine de fabrication des cartes mères. Il s’assurait de leur esthétique ; il fallait que ce soit beau. Le journaliste s’étonnait de cette préoccupation pour un composant que l’utilisateur de Mac ne verrait jamais (?) S. Jobs partait du principe que si c’était esthétique, ça marcherait mieux ??? (si le collaborateurs est attentif à l’esthétique, son niveau de concentration à fabriquer la carte sera d’autant plus grand !).
L’interview de S. Jobs fait écho à ce qu’on raconte au sujet de Marcel Dassault. Ce capitaine d’industries déambulait au milieu de rangées de dessinateurs industriels concentrés sur leur planche à dessin. Tout à coup, à main levée, d’un coup de crayon, il rectifiait la courbe d’une aile ou la ligne du fuselage, en disant : « je pense que cela volera mieux comme ça ! ». C’était toujours plus beau.
Dans les années 2000 une entreprise de la Silicon Valley était sous le coup du chapitre XI (redressement judiciaire). Tout le monde s’était étonné que son dirigeant ait fait repeindre l’accueil de l’entreprise et fait appel à un paysagiste pour que le parterre face à l’entrée soit luxuriant. Après que l’entreprise soit sortie du redressement judiciaire, il a expliqué que ses décisions avaient eu un impact moral sur ses collaborateurs. Le chapitre XI n’était pas la fin du monde ; l’espoir pouvait renaître. L’esthétique avait produit son effet.
Après 9 années passées à IBM, peu de mes amis savaient que j’y travaillais. Ma définition moqueuse de l’IBMeur, était la suivante : un IBMeur, c’est quelqu’un qui chez son marchand de légumes trouve un prétexte au bout de 5 minutes pour dire qu’il travaille à IBM. Avec le recul, c’était une bonne chose. Ils étaient fiers de travailler pour une entreprise prestigieuse.
Simone Weill disait : « il faut donner quelque chose à aimer aux Français et tout d’abord leur donner à aimer la France ». Tant Steve Jobs que Marcel Dassault, tous ces génies savent de manière intuitive que de contribuer à quelque chose de beau, d’exceptionnel, déclenche chez les acteurs l’occasion d’aimer : aimer ce qu’ils font, aimer ce à quoi ils contribuent. Cela déclenche l’envie d’exceller.
Fin des années 80’s, je dirigeais 2 filiales. Le principe d’open space avait été généralisé. J’avais imposé un format de bureau dont la surface était réduite (100×40). Cela faisait râler beaucoup de collaborateurs. C’était dans un souci esthétique. En effet, pour travailler sur son bureau, il faillait avoir rangé tout le reste. L’open space était toujours magnifique.
Comme nous l’avons vu dans un billet précédent, dans les entreprises en phase pionnière, tout le monde fait tout. C’est souvent le dirigeant qui se colle aux détails. Je m’étais donc attelé à l’aspect esthétique de l’open space.
Rappelez-vous les exemples d’entreprises libérées : SeaSmoke propose de produire un pinot noir de qualité mondiale ; Harley Davidson d’avoir une esthétique « bikers » qui séduise de plus en plus les femmes motards ; quant aux agents du Ministère belge des affaires sociales, ils ne doivent pas en revenir d’avoir une mission aussi humanitaire !!! En visant l’excellence, ces entreprises offrent, chacune à sa manière, autant de raisons à leurs collaborateurs d’aimer… aimer le produit, aimer la marque, aimer le prestige de l’entreprise, aimer leur environnement, etc.
Il est toujours impressionnant de constater le niveau de propreté et de beauté extrême de tout ce qui concerne l’entreprise Decaux spécialisée dans l’affichage et le mobilier urbain. Cela a toujours été la signature de son fondateur, y compris pour les véhicules utilitaires de l’entreprise.
L’une des vidéos donnant la parole aux entreprises libérées, se nomme « le bonheur en entreprise ». Nous sommes dans le bonheur quand nous aimons quelque chose ou quelqu’un. Cette émission avait raison de s’intituler « le bonheur au travail ».
Ce n’est pas explicitement nommé dans les reportages consacrés aux entreprises libérées mais l’esthétique, le beau, l’élégance sont des facteurs de bonheur dans la mesure où elles donnent aux collaborateurs l’envie d’exceller.
Même si vous n’avez pas encore décidé d’entamer la démarche vers l’entreprise libérée, vous avez sûrement expérimenté ce Facteur Clé de Succès. Les dirigeants qui visitent d’autres entreprises trouvent plein d’idées qui offrent aux collaborateurs l’occasion « d’aimer » davantage le produit, la marque, l’entreprise, l’environnement, etc.
Christian Becquereau 20 octobre 2016.
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